Albert Ogien est sociologue, director de recherches émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) e membro du Centre d’études des mouvements sociaux de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il publié plusieurs livres sur la désobéissance civile et l’experience de la démocratie avec la philosophe Sandra Laugier, dont Antidemocratico (La Découverte, 2017). figlio dernier livre, Politique de l’activism — Essai sur les mouvements citoyens, est Polmonary aux Presses universitaires de France en 2021.
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Reporterre — Comment analysez-vous la création de la Primaire populaire, et notamment cette note d’intention : « Nous sommes trop nombreux et nombreuses galérer boucler nos fins de mois, il ya trop urgence sur le plan écologique » ?
Depuis les Gilets jaunes, la France vit dans un sentiment largement partagé de dégradation des conditiones d’existence et de démantèlement des services publics, de l’hôpital, de la justice, de l’école, de l’université… Ce délabrement est une atteinte l’esprit de la démocratie, car les services publics sont les garants de notre vie collective, ce que la pandémie a bien montré. La force de la primaire populaire, c’est d’avoir fait des trois urgences sociale, écologique et démocratique l’enjeu fondamental de la présidentelle venir, travers un « Soccolo comune » de revendications suscettibile d’importer l’adhésion, et la victoire la présidentelle.
Le succs exceptionnel de son appel la mobilization (467 000 inscrits sur la plate-forme) est une première en France. Elle a imposé la légitimité d’un mouvement citoyen autonome, qui vise faire entender la voix des sympathisants de gauche égalité avec celle des partis dans la définition d’un program politique. En cela, elle s’inscrit dans ce bouleversement des règles et des routines de la vie politique auquel on assist un peu partout dans le monde.
quels bouleversements, dans le monde, faites-vous allusion ?
Des Printemps arabi aux occupas de place Madrid o New York, Podemos, en Espagne, chaque fois, des citoyens ordinaires se sont organisés l’écart de la tutelle de toute autorité pour contester le monopole des partis en matière politique. Ces profanes et novices entendent imponer aux professionnels une liste de priorités dont ils peuvent redouter que les querelles d’appareil d’un autre temps finissent par les ignorer : la lutte contre les inégalités sociales, lacièreculation, leanment finissent, finissent par les ignorer services publics , la répression policière e le restrizioni delle libertà pubbliche.
Dans bien des cas, les partis de gauche ont admis qu’il leur fallait nouer des Alliances avec ces nouvelles formations pour mettre en place des politiques de rupture. C’est ce qui s’est passé en France l’occasion des élections municipales de 2020 : les villes gagnées n’auraient pas été si nombreuses (Marsiglia, Lione, Bordeaux, Strasburgo, Poitiers, Nancy, Rennes, Montpellier) sans la constitution de coalitions ouvertes avec les listes citoyennes. Malheureusement, l’initiative a été trop peu commentée pour forger l’opinion publique. La Primaire Populaire Reconduit cette démarche dans le cadre de l’élection présidentelle.
Le renouvellement démocratique passerait désormais par une Alliance entre mouvements citoyens et partis ?
Oui, et les citoyens que les affaires publiques concernente l’ont bien compris. Tout comme l’État — qui s’est dessaisi de tous les outils de régulation qui lui permettaient d’influer sur la sphère économique et financière, et qui négocie en grande partie ses politiques dandents part des cénacles national n’ont plus grand pouvoir aujourd ‘hui. L’engagement citoyen vise rompre cette impuissance en forçant les gouvernements et les représentants rapporter les sujets mis sous le boisseau au centre de leurs préoccupations. Ce qui peut donner lieu de belles réussites, telle cette Alliance entre citoyens et partis de gauche au Chili, qui a permis l’élection d’un jeune president détaché de son affiliation partisane, sur la base d’un program rédaction la appelant à d ‘une nouvelle Constitution, la résorption des inégalités et la restauration des services publics.
- En 2019, un mouvement populaire s’est levé au Chili. Ici, Santiago il 30 ottobre 2019. © Marion Esnault / Reporter
Ce type d’alliance est l’étoffe dont la démocratie venir sera faite : il s’agit de passer d’une démocratie partecipative — où le pouvoir sollicite l’avis des citoyens sur des sujets qu’il choisit lib choisit — où des assemblee di citoyens tirés au sort sont pleinement dotées de la capacité de décider. L’écologie et la démocratie n’auraient-elles pas tout y gagner ? Qu’on pense au climat, au nucléaire, aux services publics o l’agriculture… Qui sait même si des sujets comme la décroissance ne pourraient pas se déployer enfin grâce au débat public ?
Qu’est-ce qui freine cette évolution vers une démocratie délibérative ?
Il ya des enjeux culturels très profonds. Et notamment le fait que la politique, les partis de gauche y compris, continue tre animée par une culture hiérarchique et autoritaire, avec une déférence au « chef » — même si ce modèle oligarchique peine à faire encore la loi, comme en attestate le recours aux primaires. A contrario, les pratiques politiques autonomes des citoyens, des Zad la jeune génération climat, en passant par les Gilets jaunes, sont portées par un refus de cette « verticalizzare ». L’important n’est pas le candidat, mais le program qui sera débattu, défini, porté collectment. Pas de chef donc, juste un porte-parole. La Primaire Populaire è anche un’organizzazione senza chef: ses deux jeunes iniziatours, Samuel Grzybowski e Mathilde Imer, ne jouent pas pour leur propre compte.
Vu ce rejet de la « cultura dello chef », pourquoi les iniziatours de la primaire populaire n’ont-ils pas défendu davantage le program du « zoccolo comune » plutôt que de laisser la question des élections et du futur élu envahir le débat public ?
Samuel Grzybowski e Mathilde Imer ne font pas de partigiano militantismo. Ils agissent plutôt comme des entremetteurs qui, avec le soutien de bénévoles de terrain, mettent en place un dispositif qui permettra de faire aboutir una causa collettiva, en l’occorrence l’élection d’un candidat unique pour porter unation program. C’est ce processus qui témoigne de leur culture horizontale. Ensuite, une fois le résultat du vote connu, ils se mettront au service de la personne élue, la condition qu’elle signe un contra d’impegno, et c’est elle que reviendra la tâche de défendre le « zoccolo comune », come le veut notre système elettorale « personificatore ».
Par ailleurs, si le program a été si peu discuté publiquement, n’est-ce pas aussi parce que les médias ont laissé aux acteurs de la Primaire peu d’espace pour le faire ? Ont-ils été autant sollicités ce sujet qu’Éric Zemmour, par esempio, a pu l’être sur ses idées ?
Est-ce cette représentation culturelle autoritaire que l’on doit le refus des principaux partis de gauche — La France insoumise, Europe cologie-Les Verts et le Parti socialiste — de participer au vote de la Primaire ?
Pour comprendre, il faut retracer la chronologie. En un premier temps, les partis de la gauche et de l’écologie se sont prêtés au jeu et ont participé l’élaboration du « zoccolo comune ». Peut-être n’ont-ils pas voulu alors froisser les sympathisants en s’associant une entreprise visant dégager une candidature unique ? Mais, mesure que l’adhésion des sympathisants cette volonté de faire valoir l’exigence d’unité a pris de l’ampleur, l’ambition des partis s’est dévoilée et les rapports avec son les populs de tenants envenimes. Et près de 500 000, le ton s’est encore durci. Tant que la Primaire populaire paraissait n’être qu’un aimable divertissement, les partis se sont prêtés au jeu. Le refus courroucé que leurs candidats officiels oppositont aujourd’hui au résultat du vote en ligne est la misura di leur désarroi davanti alle succs inattendu de l’entreprise. Il n’est pas très glorieux.
- « Les pratiques politiques autonomes des citoyens, des Zad (ici, celle de Gonesse en février 2021) la génération climat en passant par les Gilets jaunes sont portées par un refus de la “verticalité” » du pouvoir, dit M. Ogien. © Anne Speltz / Reporter
La situazione est certes compliquée pour les partis. titolo personale, je trouve quand même scandaleux que des partis censés porter la parole des peuples de gauche ne se gênent pas pour dénigrer cette autoorganization citoyenne qui mobilize bien plus qu’ils ne sont capacitys de le faire. Leur attitude traduit la morgue de professionnels de la politique qui dénigrent la capacité politique des citoyens. Les paroles méprisantes du député de La France insoumise Alexis Corbière au micro de Senato Pubblico sont cet égard révélatrices : « Ils ne savent qu’écrire des tribunes dans des journaux… je pense Liberazione voi ailleurs… ne fichent rien… […] Si vous avez des grandes idées, que vous tes si intelligents, venez nous aider… »
On peut la limit admettre que ces vieux routiers de la politique, qui se tiennent encore pour seuls dépositaires du sens de l’action collective, endurent des blessures d’orgueil ou aient le sentiment d’une débâcle intellectuelle devant ce monde « post-ideologico ». Mais cette irritazione doit-elle faire oublier la gravité du moment ? Sans candidature unique et sans mobilization citoyenne, la gauche at-elle une chance de gagner ?
La gauche manque-t-elle de convinzione ?
La domanda se pone en effet. Car si la situation est aussi dramatique que ses candidats le disent, pourquoi n’acceptent-ils pas de mettre de côté, temporairement, des différends idéologiques qu’il sera toujours temps d’aplanir plus tard ? Se disent-ils que les urgences se régleront dans la rue et dans les luttes ? Ou pensent-ils que si les gens sont encore mal soignés, mal payés, mal jugés, mal éduqués, empoisonnés par les pollins pendant cinq ans, ce n’est finalement pas si grave ?
Quelle suite imaginez-vous cette expérience de la Primaire populaire ?
Personne ne sait ce qui va se passer après le vote — en particulier parce que personne ne sait qui sont ces 300 000 personnes qui se sont inscrites durant la dernière semaine. Pour le reste, la Primaire populaire se transformera-t-elle en formation politique présentant des candidats aux législatives, comme cela s’est produit en Italie, en Espagne ou au Chili ? Ou se dissoudra-t-elle dans la désillusion et la tristesse ?
Quel que soit son avenir, la Primaire populaire a d’ores et déjà eu le mérite de nous interpeller sur ces machines à ex des élus que sont devenus les partis de gauche. Pourront-ils encore longtemps conserver un peu de légitimité sans consideérer davantage la parole politique des citoyens ? Cette reconnaissance ne serait-elle pas l’occasion pour eux de redevenir des laboratoires d’idees ouverts ? Souhaitons qu’ils en prennent rapidement conscience, pour déjouer les fatalismes et devenir des alliés sans arrière-pensées de nouvelles alternatives partagees.
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